Demotivateur « Le Kuban exige son annexion a l’Ukraine » – « appel au separatisme »

Les Ukrainiens ethniques du Kouban demandent à l’Ukraine et à la communauté internationale de les protéger de l’oppression et du chauvinisme russe. Le Kouban exige son annexion à l’Ukraine, patrie historique.

La publication de ce démotivateur sur le réseau social VKontakte par l’activiste de gauche originaire du Kouban, Darya Polioudova, a donné au FSB une raison d’ouvrir pour la première fois en Russie une enquête basée sur l’article 280.1 du code pénal sur les appels publics au séparatisme. Le 21 décembre 2015, le juge Oleg Gontcharov du tribunal d’arrondissement de Krasnodar l’a condamnée à deux ans et demi de prison. Jusqu’à son procès en appel, l’activiste reste en résidence surveillée.


Ce démotivateur est apparu sur le réseau social après le début de l’agression russe contre l’Ukraine. Le 5 août 2014, alors qu’elle organisait la Marche pour la fédéralisation du Kouban, Darya Polioudova a partagé cette image publiée sur la page personnelle d’un autre organisateur de la manifestation, Piotr Lioubtchenkov. Un commentaire l’accompagnait : « Frappons Poutler avec son propre bâton ».

Le 15 août, deux jours avant la manifestation par ailleurs non-autorisée, Polioudova a été arrêtée à Krasnodar, suite à des provocations policières, et a été placée en détention administrative pendant 14 jours. La police a également empêché la manifestation d’avoir lieu. Le 29 août, à l’issue du délai légal de l’arrêt administratif, elle n’a pas recouvré la liberté et a été mise en examen. Quelques jours plus tard, il était désormais connu qu’elle a était incarcérée au centre pénitencier N°5 de Krasnodar. L’enquête a été menée par l’enquêteur principal, chargé des « Affaires de Haute Importance » au sein de la direction régionale du FSB, le colonel Dmitri Shapovalov.

L’accusation portant sur la publication du démotivateur a été qualifiée d’appel public au séparatisme selon l’alinéa 2 de l’article 280.1 du code pénal, pour lequel il est prévu jusqu’à cinq années d’emprisonnement. Deux autres accusations ont été ajoutées au cas de Polioudova. La première incrimine l’activiste pour être sortie en rue avec une pancarte sur laquelle il était inscrit : « pas de guerre en Ukraine, mais une révolution en Russie. Pas de guerre, mais une révolution ! ». Il lui a aussi été reproché d’avoir publié une photo sur les réseaux sociaux la montrant avec cette pancarte. Pour cela, Polioudova s’est vue accuser d’incitation à l’extrémisme selon l’alinéa 1 de l’article 280, dont la sanction peut aller jusqu’à 4 ans de prison.

Le seconde accusation se réfère à l’alinéa 2 de l’article 280 sur l’incitation publique à l’extrémisme sur Internet pour lequel Polioudova peut être condamnée à 5 ans d’enfermement. Elle est accusée d’avoir partagé le 16 juillet 2014 un texte sur les réseaux sociaux contenant des phrases telles que : « Peuple, réveille-toi ! Pourquoi ne pouvons-nous pas nous débarrasser de Poutine et mener à la place une révolution socialiste ? Assez dormi, il est temps de battre le pavé et de renverser ce régime ! »

Une enquête a également été ouverte à l’encontre de Lioubtchenkov et de Vyatcheslav Martynov, le troisième organisateur de la manifestation pour le Kouban, bien que tous deux se soient enfuis en Ukraine. Martynov s’est établi à Kharkov et a obtenu en novembre 2015 le statut de réfugié politique. Quant à Lioubtchenkov, parti à Odessa avant la manifestation, mais d’où il continuait à l’organiser, il s’est vu à plusieurs reprises refuser ce même statut. Il risque d’être extradé vers la Russie.

En septembre 2014, l’office fédéral de surveillance financière a inscrit les trois organisateurs de la marche pour le Kouban sur la liste des terroristes et extrémistes. Leurs comptes bancaires ont été bloqués en Russie. Polioudova a été libérée le 25 février 2015 et mise en résidence surveillée : quelques jours plus tard s’achevaient les 6 mois de détention provisoire, selon l’alinéa 2 de l’article 109 du code de procédure pénale. Cela correspond au délai maximal de la détention provisoire pour les faits qui lui sont reprochés. L’instruction a été bouclée mi-juillet.

L’audience préliminaire s’est déroulée le 26 août. Le procès n’a véritablement commencé que le 15 septembre. Il est apparu rapidement après sa libération qu’une autre personne accusée également d’extrémisme, Sergeï Titarenko, a fait une déposition à l’encontre de Polioudova. Celui-ci est aussi resté en détention pendant 6 mois, de septembre 2014 à mars 2015 à la prison N°5. Il a affirmé que Polioudova lui aurait décrit « son intention de renverser le pouvoir en place par la révolution, de renverser le pouvoir actuel par la violence ». En septembre 2015 Titarenko a été condamné à payer une amende de cent milles roubles, tel que préconisé par l’alinéa 1 de l’article 280 du code pénal. Quelques jours plus tard il a pris la parole au procès de Polioudova durant lequel il a exprimé des témoignages contradictoires et fait une série de déclarations incohérentes.

Polioudova a affirmé que ses publications tenaient un discours de révolution non-violente. Lors des plaidoiries, le procureur a requis jusqu’à trois ans et demi de prison à l’encontre de Polioudova, alors que l’activiste et son avocat plaidaient l’acquittement. Néanmoins le juge Goncharov a reconnu l’accusée coupable des trois chefs d’accusation et l’a condamnée à de la prison ferme. A cela s’ajoute une interdiction d’enseigner et dans travailler dans les médias.